Viticulteurs Bordelais : la profession veut sortir la tête de l'eau

Publié : 6 décembre 2022 à 20h47 par Élodie Quesnel

Près de quinze tracteurs ont participé à une opération escargot

Crédit : Elodie Quesnel

18 ans qu'ils ne s'étaient pas fait entendre. Face à la crise qui frappe la filière, les viticulteurs du Bordelais demandent à l'Etat une aide pour arracher une partie de leur vigne. Une demande restée sans réponse jusqu'à aujourd'hui.

Des tracteurs sur les quais de Bordeaux escortés par la Police Nationale. Ce mardi 6 décembre, au matin, entre 1300 et 1400 vignerons du bordelais s'étaient donnés rendez-vous place des Quinconces à Bordeaux à l'appel du Collectif Viti 33. Motif de la contestation : le silence radio du gouvernement sur la demande du plan d'arrachage primé.


Une crise qui dure


Depuis plusieurs années, les viticulteurs font face à une grave crise. Une baisse de la consommation de vin, un prix du tonneau en berne, plusieurs années de mauvaises récoltes. Sans oublier, la crise Covid qui a eu un impact. "On produit un million d'hectolitres de Bordeaux en surplus chaque année", explique Didier Cousiney, viticulteur et président du Collectif Viti 33. "C'est comme si on vous disait, continuez de travailler à temps plein mais vous ne serez payé qu'à moitié." D'où l'appel au Ministère de l'Agriculture : un plan d'arrachage primé. "On demande un arrachage de 15 hectares primé à 10 000 euros l'hectare. Ca permettra de rétablir l'offre et la demande. Et de ne plus obliger les viticulteurs à produire pour rien."


Des viticulteurs à bout


Produire pour rien, c'est ce que subit depuis plusieurs années, Frédéric Savagnac, viticulteur à Sauveterre de Guyenne. Son vignoble est exploité par sa famille depuis trois générations. "Heureusement que mon père n'est plus là pour voir ce qu'il se passe." Avec ses 75 hectares de vignes, il doit faire face à la crise depuis plus de trois ans. "J'ai du vendre des biens pour rester à flot. Aujourd'hui, je dois licencier mes deux filles qui travaillent pour moi pour continuer à m'en sortir." Il espère que le gouvernement va faire un geste. "C'est tout le paysage du bordelais qui va en subir les conséquences si on ne fait rien. Les producteurs vont devoir abandonner leurs vignes car personnes ne voudra racheter quelque chose qui n'est pas rentable. Mais ça va aussi avoir des conséquences sur le tourisme. Qui voudra venir voir des paysages de vignobles à l'abandon ?"


 

Frédéric et sa femme doivent faire face à de nombreuses difficultés dans leur vignoble

Crédit : Elodie Quesnel

Le soutien des élus locaux


Dans le cortège, des vignerons mais aussi des élus locaux venus soutenir la profession. A l'image de Pascal Lavergne, député de la 12e circonscription de la Gironde. Une des plus grande circonscription viticole de France. "Ils sont dans des situations financières dramatiques que je ressent depuis très longtemps. Je suis présent aujourd'hui parce que je veux faire remonter les difficultés de ces vignerons au plus haut de l'Etat."


Une avancée mais encore des attentes


Après un défilé de la place des Quinconces jusqu'à la Préfecture de Gironde, une délégation de viticulteurs avaient rendez-vous avec la Préfète de Gironde, Fabienne Buccio et le Président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, pour évoquer le sujet. Les deux n'ont pas pu accepter de mettre en place un plan d'arrachage primé. Si à la Région, il a été proposé de faire remonter une liste des vignerons en difficulté pour lancer une étude de cas, à la Préfecture, Fabienne Buccio va lancer dès la semaine prochaine une cellule de crise. Autours de la table, la Préfecture, le Département, la Région, la filière viticole, la chambre d'agriculture et le collectif des viticultures. Il sera étudié le nombre de cas à qui doit être apporté du soutien. Ensuite, de nouvelles réunions seront programmées avec notamment les banques pour savoir comment ficeler les aides. 


Mais le collectif Viti 33, malgré ces annonces, martèle toujours ce plan social pour subventionner l'arrachage de vignes, pour comprendre qu'il y a urgence. Didier Cousiney, joint au téléphone ce mardi soir, confiait qu'il ne lacherait rien. Si la manifestation de ce 6 décembre s'est passée dans le calme, elle pourrait être un peu plus musclée les fois prochaines en cas de non déblocage de la situation.